Description
« Le nouveau volume Intuition, tome VI, nous ramène au présent, au passé récent, aux fondamentaux qui régulent la vie quotidienne du poète. Au fil des volumes, la ligne directrice gagne en visibilité et elle échappe singulièrement aux articulations traditionnelles de la poésie. L’art serait-il indivisible ? Probablement et, depuis Rimbaud, nous savons que les voyelles prennent la couleur du temps.
Mais l’écriture est aussi musique et peinture ; elle est mouvement et accroche le tout-venant des heures, insensibles aux « variations » qui régissent les humeurs de la journée. Le dernier opus est explicite à cet égard et nous renvoie indifféremment au registre du rêve ou à celui du souvenir. « L’imparfait d’un portrait » (p. 27) nous offre un texte éclairant sur l’ambiguïté première de la démarche et nous conduit, par le plus court chemin, à la lecture d’un Journal qui rendra la sève des années 2010 à 2017…
Passionnant de suivre le mouvement seul du hasard et pratiquer le contrepoint quand il le faut ! Monique Thomassettie n’a guère le temps de prendre du champ ; une nouvelle intuition coiffe la première et s’en remet à la découverte de l’instant. Mémoire-songe, le binôme évident, conçu par bribes comme le temps retrouvé : « Ce que S. Rey a dit en 1992 de ma peinture peut s’appliquer à mon écriture : « C’est du beau travail. Du cousu main. Du cousu cœur. » – que l’instrument de la main soit un stylo ou un clavier. » Je retiens à la page du 15 janvier 2011 : « Il me suffit de regarder en moi… » Et dix jours plus tard, l’ombre d’un regret : « Cette version de Brahms a perdu le romantisme pour chercher un dépouillement d’une abstraction plus mentale… » La roue tourne, n’arrête pas de tourner !
Le 3 novembre 2013 : « Rêve de cette nuit : le 20 et je ne sais plus quel chiffre : 28 ? 29 ? pour aller place Royale, je crois. » Plus proche de nous, le 2 mars 2017 : « France Bastia s’en est allée le 27 février. Je l’ai appris le lendemain. C’est comme si je perdais un membre de ma famille. » Et on se souvient de quelle manière (impromptue, ironique et tendre), France Bastia consignait ses belles heures… Entre le songe et la mémoire (parfois celle d’un songe), une incidente qui en dit long : « J’ai trop en moi, je ne m’y retrouve pas ! Mon sens est poétique. » (7 mars 2001). Sans oublier les champs récurrents du bonheur (famille, amour, lecture), le temps d’un aveu : « Mon père, scandalisé que je lise Lautréamont, jeta Les Chants de Maldoror dans la chaudière. » (7 mars 2001)…
Mais brisons là ! Monique Thomassettie est déjà plus loin. On la retrouvera dans une maison d’enfance ou dans le giron d’un rêve, ou réactive à l’actualité… Ou dans la posture d’une chroniqueuse intemporelle ? Alice perdue au pays des Cartes ? L’art ne peut décidément tout expliquer, mais il se justifie par ses multiples avatars autant que par ses métamorphoses. ”
Michel Joiret, « Le Non-Dit » N° 117, octobre 2017
Intuition — Tome VI | Monique Thomassettie | Éditions Monéveil | 324 pages | 2017 | ISBN : 978-2-9601457-4-8